7 Novembre 1941
Le général De Gaulle prononce un discours à Londres au déjeuner de l'association de la presse étrangère
Le drame de la guerre bouleverse à ce point l'âme des peuples, il est tellement nourri de passions, d'illusions, d'exagérations, qu'on éprouve toujours quelque peine à s'élever au-dessus du tumulte pour considérer les froides et claires réalités dont, en dernier ressort, tout dépend. Pourtant, puisque vous avez bien voulu m'offrir l'occasion de m'exprimer devant vous, je voudrais essayer d'évoquer aussi objectivement que pos~ible quelques idées et quelques données de bon sens qui me paraissent essentielles au problème de la victoire.
Il y a deux ans, deux mois et une semaine que' cette guerre a commencé. Pendant ce temps, il est incontestable que l'ennemi a mené le jeu. L'initiative qu'il a saisie le 1er septembre 1939, il la garde encore aujourd'hui. Non point, certes, que ses adversaires n'aient eux-mêmes rien entrepris. Mais c'est un fait que la partie fut toujours dominée par les offensives allemandes. Toutefois, c'est également un fait que le rythme de ces colossales attaques s'est actuellement ralenti.
On avait vu, au cours des dix premiers mois, l'assaillant venir à bout de toute résistance organisée, en Pologne, en Norvège, en Hollande, en Belgique, en France, par ce qu'il appelait lui-même, à juste titre, des attaques éclairs. D'un seul bond, étaient réalisées la rupture et la confusion du système de défense adverse. Ensuite, et en vertu d'une sorte d'accélération automatique, les résultats allaient se précipitant, de plus en plus étendus et de plus en plus rapides, jusqu'à l'écroulement du vaincu dans un délai qui se comptait en jours.
Mais on a vu, pendant les seize mois suivants, ce terrible système de surprise, de rupture et d'exploitation perdre de sa fabuleuse efficacité. Il a fallu constater qu'impuissant à se déployer tout entier contre l'Angleterre il ne pouvait réussir à abattre la puissance militaire russe malgré d'importants succès. Car enfin, les vaines velléités d'invasion de la Grande-Bretagne, la stabilisation prolongée autour de Leningrad, la dure et lente bataille de Moscou, la progression pas à pas vers l'embouchure du Don, n'ont aucun rapport avec les foudroyantes percées de septembre 1939 en Pologne et de mai 1940 en Belgique et en France.
Au fond, l'ennemi se trouve à présent, face à l'Angleterre, face à la Russie, face à l'Asie et face à l'Afrique, devant des adversaires suffisamment forts et des conditions géographiques suffisamment difficiles pour que son système de guerre ne puisse plus lui assurer nulle part des résultats décisifs.
On pourrait sans doute concevoir que ce commencement d'équilibre fût susceptible de se rompre à nouveau en faveur de l'ennemi s'il était en mesure d'accroître notablement et rapidement ses moyens. Que l'Allemagne parvienne à mettre en ligne, dans un avenir rapproché, par exemple une aviation, des troupes blindées, une flotte, doubles ou triples de celles dont elle dispose, alors il serait possible d'imaginer qu'elle pût arracher la seule sorte de victoire qui vaille, je veux dire la victoire finale. Mais on n'aperçoit nullement la probabilité d'un tel accroissement. Il y a déjà bien des mois que l'industrie de guerre allemande a atteint le. plus grand rendement possible, que le Reich a mis sur pied le maximum de ses effectifs, qu'il tire de son armement tout ce qu'il peut donner, sur terre, sur mer et dans les airs. Et il n'y a, d'autre part, aucune raison de penser que ce peuple, éprouvé par l'usure qui est la rançon inévitable de son effort, tire soudain de son propre fond ce paroxysme d'enthousiasme qui lui permettrait, peut-être, de se surpasser lui-même.
Il est vrai que ses récentes conquêtes lui ont procuré des ressources nouvelles. Soi l'on se contentait, pour apprécier ce supplément en matières premières, production et main-d'œuvre, d'additionner les chiffres fourms par les statistiques d'avant-guerre sur le potentiel des Pays-Bas, de la Belgique, du Nord et de l'Est de la France, de la region parisienne, de l'Ukraine et du Donetz, on obtiendrait, en effet, un total assez impressionnant. Mais l'état dans lequel l'ennemi a trouvé beaucoup de mines et beaucoup d'usines, les difficultés multiples et les délais prolongés qu'exigent l'adaptation des industries à des conditions arbitrairement imposées, enfin le médiocre rendement d'une main-d'œuvre récalcitrante, donnent à croire que le vainqueur ne pourrait tirer de ses conquêtes autre chose qu'un appoint sans une longue et paisible période d'organisation.
Il paraît donc conforme à la logique des événements que l'Allemagne çherche à obtenir bientôt le répit qui lui est nécessaire. Nous la verrions, alors, sous une forme ou une autre, déclarer prochainement la paix. Un tumulte, tour à tour confus et éclatant, se déchaînerait sur le monde. Tous les instruments imaginables de la propagande joueraient leur partie dans ce tonitruant orchestre. Tous les sentiments humains, les plus élevés comme les plus bas, l'appel germanique tenterait de les émouvoir. Chaque adversaire serait séparément, tantôt flatté sans mesure, tantôt frénétiquement outragé. L'ambition et la peur, la religion et la libre pensée, le capital et le travail, l'ordre et la révolution, le Nord et le Sud, l'Orient et l'Occident, se verraient successivement prodiguer les menaces ou les assurances. L'univers retentirait de l'alternance étourdissante des imprécations d'Hitler et de ses serments d'éternelle amitié.
Pour vraisemblables que puissent paraître, de la part de l'Allemagne, de telles sollicitations, il est d'avance bien certain qu'elles ne sauraient être accueillies. Le parti de la liberté a compris, une fois pour toutes, qu'il doit à son propre salut de ne plus jamais se prêter au jeu de son ennemi mortel. Les hommes à qui incombe la charge de diriger l'effort des démocraties dans ce conflit décisif ont fixé catégoriquement le but et la volonté de tous ceux qui combattent pour la liberté du monde.
M. Winston Churchill disant: « Nous avons proclamé notre détermination de ne pas faire la paix jusqu'au moment où les pays ravagés et esclaves seront libérés et où la domination nazie sera enfin brisée)) ; M. Staline criant: « C'est une question de liberté ou d'esclavage, de vie ou de mort » M. Roosevelt affirmant : « Le danger est là, présent. Il provient d'un ennemi dépourvu de toute loi, de toute moralité, de toute liberté et de toute religion », sont inflexiblement d'accord. Il n'y a aucune chance que soit accordé à l'adversaire le répit qui lui permettrait d'établir sa force sur des bases plus larges pour revenir à la charge dès que le ressort guerrier des nations honnêtes se serait, une fois de plus, détendu. Le problème qu'il s'agit de résoudre quoi qu'il doive en coûter n'est point du tout celui de la paix, mais celui de la guerre. Et voici que les événements, tout en révélant peu à peu que l'agresseur est, au total, impuissant à triompher, pourvu qu'il n'obtienne point de trêve, vont peu à peu offrir aux Alliés les occasions et les conditions des initiatives victorieuses.
Constatons, d'abord, que les dures expériences qu'il leur a fallu subir leur ont permis de voir très clairement par quels moyens s'obtiennent les succès. De même que, vers la fin de 1915, nous avons discerné que les assauts, pour réussir, exigeaient la combinaison d'une énorme artillerie lourde et d'une infanterie bien dotée de mitrailleuses, de même, vers la fin de 1941, nous savons que la force mécanique, terrestre, aérienne et navale, est désormais l'instrument sine qua non de la victoire. Si, lors de la dernière guerre, la première de toutes les conditions était la fabrication d'une quantité colossale de munitions, dans cette guerre-ci tout se ramène, en dernier ressort, à la production des tanks, des avions et des navires. A partir du moment où les Alliés étaient parvenus, naguère, à mettre en ligne plus de canons tirant plus d'obus et des obus plus lourds que ne pouvait le faire l'ennemi, le triomphe était virtuellement assuré. A partir du moment où les peuples libres disposeront d'une supériorité suffisante en fait de tanks et d'avions, comme ils l'ont déjà en fait de navires, leur victoire ne fera plus de doute. Dans cette guerre, le secret de la victoire est, désormais, du domaine public et le plus simple enfant dans la rue le formule tout aussi bien que l'homme d'Etat ou le chef d'armée.
Certes, pour avoir enfin assez de tanks, assez d'avions et assez de ces objets, installations et accessoires, qui permettent de bien employer tous ces avions et tous ces tanks, il faut un gigantesque effort. Si l'on mesure l'étendue des champs de bataille, terrestres, aériens, navals, où l'on se bat actuellement et de ceux où, quelque jour, le combat devra s'engager en Europe, en Afrique, en Asie, si l'on évalue la masse des moyens dont disposent déjà nos ennemis ou dont ils peuvent disposer, si l'on tient compte, enfin, de leur position centrale, beaucoup plus avantageuse pour concentrer rapidement leurs efforts que celle des peuples libres séparés par de vastes distances, on est conduit à juger nécessaires des quantités de matériel telles qu'on les eût, naguère, qualifiées d'astronomiques, mais qui ne sont que banales en comparaison de l'espace, de l'enjeu et des possibilités. Oui, c'est peut-être l'action de 100000 tanks, liée à celle de 100000 avions et nourrie par 50 millions de tonnes de navires qui fera crouler le système mécanique de l'ennemi et, avec lui, tout l'édifice de la tyrannie allemande.
Qu'un tel effort de fabrication soit dans l'ordre du possible, pour un ensemble de nations qui détient encore la grande majorité des ressources du monde, cela est bien évident. Prenons pour base d'appréciation les chiffres de la production des principales matières premières dans l'année 1938, en admettant même que les peuples libres ne sauraient pas les accroître pour ce qui les concerne, et que les Allemands soient en mesure de tirer des territoires conquis exactement ce qu'ils fournissaient en temps de paix. Sans doute, pour le fer et l'aluminium, la balance est à peu près égale. Mais l'Amérique, l'Empire britannique et la partie de la Russie qui échappe à l'invasion produisaient, en 1938, un milliard de tonnes de charbon contre 400 millions aux Puissances de l'Axe et à celles qu'elles ont asservies. Pour le pétrole, 266 millions de tonnes contre 8 millions. Pour le nickel, 110 000 tonnes contre 3000. Pour l'étain, 2 millions de tonnes contre 20 000. Pour le cuivre, 2 millions de tonnes contre 190000. Pour le caoutchouc, l million de tonnes contre rien. Pour le coton, 6 millions de tonnes contre rien. La capacité et l'agencement des outillages dans les pays encore libres l'emportent, au total, d'au moins 100 %. Les effectifs de la main-d'œuvre qualifiée sont supérieurs de plus du double. Quant à ceux de la main-d'œuvre banale, ils sont, de notre côté, pratiquement inépuisables. En somme, si par impossible les peuples libres se dispensaient d'écraser Hitler, ils seraient comme le colosse qui préfère se soumettre au nain, plutôt que de se tenir debout.
Hitler a pu croire, en effet, qu'il parviendrait à ses fins en jouant perpétuellement sur l'insouciance de ses adversaires. Je ne pense pas qu'aujourd'hui il ait encore beaucoup d'illusions. A vous, messieurs, dont c'est la tâche et l'honneur d'éclairer l'opinion et, par là, d'éveiller la conscience du monde, il appar-tient de contribuer à dissiper les derniers espoirs de l'ennemi. Nous sommes au moment précis où la victoire est toute prête à changer de sens. Mais la victoire se paye cher et dans une monnaie qui a cours. Le prix de la victoire, c'est un effort plus grand. La seule monnaie qui vaille, pour gagner cette guerre de machines, c'est une écrasante force mécanique.
source : Mediaslibres.com
Front ouest
Les bombardiers du Bomber Command de la RAF bombardent de nuit Berlin, Cologne et Mannheim avec 300 bombardiers. 37 avions sont perdus dans cette action, dont une partie à cause des mauvaises conditions climatiques.
source : onwar.com, guerre-mondiale.org, Worldwar-2.net
A Moscou, Staline assiste à une parade militaire sur la place rouge, dans le cadre des célébrations du 24e anniversaire de la révolution d'octobre, et prédit la chute de l'Allemagne nazie dans les 12 mois. Les troupes faisant partie de la parade partent immédiatement au front suite à celle-ci.
Tableau de Konstantin Yuon, montrant la
parade du 7 novembre 1941 sur la place rouge. Cette parade, outre sa signification par rapport à la révolution d'Octobre, a une forte signification politique, montrant que le gouvernement
soviétique et son chef défendront la capitale contre toutes les attaques allemandes. Des prospectus sur cet évenement seront distribués clandestinement dans les zones occupées pour pousser à la
résistance de la population soviétique.
Front de l'est
Front centre
Le gel ayant fait son apparition, les troupes allemandes se préparent à reprendre l'offensive sur Moscou. Environ 80 divisions soviétiques sont entre eux et la capitale soviétique.
source : onwar.com, guerre-mondiale.org, Worldwar-2.net, wikipedia, pobediteli.ru
Front Méditerranée
La RAF bombarde Brindisi
source : guerre-mondiale.org
Atlantique nord
Le U74 coule le cargo britannique Nottingham au milieu de l'Atlantique nord
source : UBoat.net
Le secrétaire d'état américain, M. Hull, avertit le gouvernement américain que les relations avec le Japon sont extrêmement critiques
source : "Events leading up to World War II" sur iBiblio.org
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