La description au jour le jour des événements de la seconde guerre mondiale avec 67 ans de décalage
Messieurs,
Je vous ai réunis pour m'aider à élaborer la constitution nouvelle qui doit être soumise à la ratification de la nation. C'est une entreprise difficile, car il faut qu'elle exprime avec plénitude la signification de la Révolution Nationale, qu'elle en marque fortement le but et la nécessité.
Depuis 150 ans, la France a connu et pratiqué successivement quinze régimes constitutionnels différents. Ils ont duré, les uns une année ou cent jours, d'autres trois ou quatre ans, d'autres une demi-génération, le dernier 65 ans.
Ils sont séparés les uns des autres, on pourrait dire engendrés, par des révolutions ou des défaites.
En cinq générations, la France a donc passé alternativement des régimes les plus autoritaires aux régimes les plus libéraux, de la dictature conventionnelle ou napoléonienne au régime de la liberté réglée ou de la liberté déréglée, de la Monarchie à l'Empire, de l'Empire à la République démocratique qui a fini dans l'impuissance de décider et même de délibérer.
Il faut que cette expérience soit sans cesse présente à votre pensée pour reconstruire un pays longtemps voué aux changements, à l'instabilité et finalement installé dans l'incertitude, la surenchère des partis et la hargne générale.
Les circonstances dans lesquelles elle vient d'être interrompue, une fois de plus, comportent une leçon et peut-être un dernier avertissement.
Le régime électoral représentatif, majoritaire, parlementaire, qui vient d'être détruit par la défaite, était condamné depuis longtemps par l'évolution générale et accélérée des esprits et des faits dans la plupart des pays d'Europe et par l'impossibilité démontrée de se réformer.
En France, il donnait tous les signes de l'incohérence attestée par la substitution chronique des décrets-lois à la procédure législative régulière.
L'inconscience en matière de politique étrangère ajoutait à ces signes un présage de catastrophe. Cette catastrophe est une conclusion. Nous sommes dans l'obligation de reconstruire.
La vigueur et la durée de la Constitution que nous avons élaborée dépendront des principes mis à sa base :
De l'organisation nouvelle et de l'articulation des éléments sociaux composant la nation ;
De la formation et de la définition d'un nouveau corps politique qui devra être radicalement différent de celui qui était le moteur sans frein et sans responsabilité de l'ancienne Constitution ;
De la foi de la France dans ses destinées, d'une foi ravivée dans ses possibilités propres, au milieu d'un monde transformé par un bouleversement social et politique dont on ne peut encore ni entrevoir la fin, ni prévoir les conséquences, mais qui, quelles qu'elles soient, ne doivent pas empêcher notre pays de trouver de nouvelles raisons de vivre.
Pour des raisons de tous ordres et d'une extrême complexité, la France est entrée dans une des grandes crises de son histoire. Voilà le fait qui domine et commande toute la Révolution Nationale. Voilà le point de départ de la Constitution nouvelle qui sera œuvre organique et durable ou travail artificiel et éphémère.
Le premier consiste à remplacer le « peuple souverain », exerçant des droits absolus dans l'irresponsabilité totale, par un peuple dont les droits dérivent de ses devoirs.
Un peuple n'est pas un nombre déterminé d'individus arbitrairement comptés au sein du corps social et comprenant seulement les natifs du sexe masculin parvenus à l'âge de raison.
L'expérience décisive et concluante montre que cette conception n'aura été qu'un intermède relativement court dans l'histoire de notre pays, l'initiateur du système beaucoup plus court encore dans celle de la plupart des pays européens qui l'ont imitée par étapes successives.
Un peuple est une hiérarchie de familles, de professions, de communes, de responsabilités administratives, de familles spirituelles, articulées et fédérées pour former une patrie animée d'un mouvement, d'une âme, d'un idéal, moteurs de l'avenir pour produire à tous les échelons une hiérarchie des hommes qui se sélectionnent par les services rendus à la communauté, dont un petit nombre conseillent, quelques-uns commandent et, au sommet, un chef qui gouverne. La solution consiste à rétablir le citoyen juché sur ses droits dans la réalité familiale, professionnelle, communale, provinciale et nationale.
C'est de cette réalité que doit procéder l'autorité positive et sur elle que doit se fonder la vraie liberté, car il n'y a pas et ne doit pas y avoir de liberté théorique et chimérique contre l'intérêt général et l'indépendance de la nation.
Je me propose de recomposer un corps social d'après ces principes. Il ne suffira plus de compter les voix ; il faudra peser leur valeur pour déterminer leur part de responsabilité dans la communauté.
Ce premier principe donne à la Révolution nationale une de ses significations essentielles.
Qu'est-ce que la Révolution nationale ? Sa définition doit inspirer toutes les parties de la Constitution.
Une révolution véritable n'est jamais un accident. « Les révolutions qui arrivent dans les grands États, dit Sully, ne sont pas un effet du hasard, mais du caprice des peuples. »
La catastrophe est la conclusion des fautes, des erreurs, des illusions, des égoïsmes et des incapacités accumulés.
La Révolution Nationale signifie la volonté de renaître, affirmée soudain du fond de notre être, un jour d'épouvante et de remords ; elle marque la résolution ardente de rassembler tous les éléments du passé et du présent qui sont sains et de bonne volonté pour faire un état fort, de recomposer l'âme nationale dissoute par la discorde des partis et de lui rendre la confiance aiguë et lucide des grandes générations privilégiées de notre histoire, qui furent souvent des générations du lendemain de guerres civiles ou de guerres étrangères.
La constitution ne doit pas se borner à être un ensemble de règles précises et sèches.
Pour répondre à la grande attente du peuple français et au grand devoir qui m'incombe, elle doit être cohérente, convaincante, éducative ; elle doit avoir une « vertu. d'enseignement » qui est le caractère distinctif des bonnes lois.
L'école est le prolongement de la famille. Elle doit faire comprendre à l'enfant les bienfaits de l'ordre humain qui l'encadre et le soutient ; elle doit le rendre sensible à la beauté, à la grandeur, à la continuité de la patrie. Elle doit lui enseigner le respect des croyances morales et religieuses, en particulier de celles que la France professe depuis les origines de son existence nationale.
J'ai dit à maintes reprises que l'État issu de la Révolution nationale devait être autoritaire et hiérarchique.
De quelle autorité doit-il s'agir ? Que faut-il entendre par hiérarchie ?
Hier, l'autorité procédait du nombre, incompétent, périodiquement tourbillonnant; elle s'obtenait par le moyen d'une simple addition.
Aujourd'hui, majorité et minorité gisent, sous les mêmes décombres.
L'autorité au nom de laquelle la Constitution déléguera le pouvoir et le commandement doit procéder d'abord du principe immuable qui est le fondement de la formation, du développement, de la grandeur et de la durée de tous les groupes naturels et sans lesquels il n'y a ni peuple, ni y État, ni Nation.
Vous aurez à me donner votre avis sur la formule de ce principe.
L'autorité doit procéder en second lieu de tout ce qui, dans un peuple, représente la durée qui relie le passé à l'avenir et assure la transmission de la vie, du nom, des biens, des œuvres en même temps qu'un idéal et une volonté commune et constante.
Cette source de l'autorité au second degré, vous la trouverez dans la famille, dans la commune, qui est une fédération de familles, dans les métiers, dans les professions organisées, dans les pays fédérés en provinces, qui ont marqué l'esprit français d'une empreinte indélébile au point que chacun se vante d'être de celle-ci et non de celle-là.
Par État hiérarchique, j'entends le remembrement organique de la société française.
Ce remembrement doit s'opérer par la sélection des élites à tous les degrés de l'échelle sociale. Cette sélection doit être exprimée par la restauration de l'honneur du métier et la restauration dans l'honneur de toutes les catégories de la nation. La sélection des chefs peut se faire et elle a lieu en réalité dans toutes les conditions, les plus humbles comme les plus hautes. La Constitution devra la favoriser et la fixer en déterminant sa fonction dans tous les rouages de la Société, de la base au sommet. Elle rétablira cette qualification générale des Français, qui a donné à notre pays la plus solide structure, en rendant le droit de citoyenneté, non plus sur l'individu épars et abstrait, mais sur la position et les vérités acquises dans le groupe familial, communal, professionnel, provincial et national, sur l'émulation dans l'effort, sur l'intelligence tendue vers le bien de la communauté, sur les services rendus dans tous les cadres de l'activité humaine.
Mais la hiérarchisation d'une société implique l'exercice de la responsabilité à tous les échelons.
Être responsable, c'est être capable de répondre de ce qu'on fait. Le sentiment de la responsabilité est la caractéristique de l'être sain et normal. Le goût de la responsabilité est le signe distinctif du chef. Le besoin de responsabilités de plus en plus grandes exprime le pouvoir d'ascension d'un homme dans la hiérarchie sociale ou nationale.
La compétition pour l'avancement dans un métier, dans un corps, dans une administration sans la conscience claire du degré croissant des responsabilités est la preuve d'une société en décomposition ou le symptôme d'un État malade.
La Constitution et les lois organiques qui la compléteront, que ce soient les lois communales ou provinciales, la charte des corporations, le statut des fonctionnaires, devront marquer nettement le degré de responsabilité afférent aux divers postes de la hiérarchie correspondante et déterminer les sanctions applicables à tous les cas de manquement ou d'incapacité.
Nous avons pratiqué un régime politique où le principe de l'irresponsabilité était posé de la base au sommet de l'État : irresponsabilité du corps électoral, irresponsabilité du pouvoir législatif, irresponsabilité du pouvoir exécutif (sauf pour le cas de haute trahison), celui d'incompétence n'étant pas retenu. C'est pourquoi nous en sommes sortis par la porte du malheur.
La question capitale qui se pose à nous aujourd'hui est de savoir quel type de structure sociale nous devons et nous voulons instaurer, pour servir de soubassement à une construction politique qui doit affronter un avenir redoutable.
Ne nous contentons pas d'abroger ce qui fut nocif et qui est mort. Faisons du neuf avec des valeurs concrètes et permanentes que le pays garde et met à notre disposition.
Nous n'avons pas le choix entre des opinions, des vœux, des désirs, des regrets, des illusions et, les exigences précises, implacables du salut de la patrie: La grandeur de notre tâche doit nous donner le courage de surmonter les difficultés qu'elle comporte.
Le salut de la Patrie étant la suprême loi, c'est sur elle que se fonde la légitimité de la Révolution nationale et de la Constitution qui lui donnera son armature et son couronnement.
Au cours des années où notre destin allait à la dérive, le peuple a été sourd aux avertissements. Qu'il m'entende aujourd'hui, si je lui dis que demain il ne se relèvera que par la trêve des disputes vaines sur le régime idéal qu'il cherche depuis 150 ans.
Le meilleur régime sera celui qui correspondra aux exigences précises et concrètes de sa vie nationale, dans des conjonctures extérieures dont il n'est pas le maître et dont il devra tenir compte pour rétablir l'ordre dans sa maison.
Le peuple français porte son avenir en lui-même, dans la profondeur des soixante générations qui nous ont précédés sur notre sol et dont vous êtes les héritiers responsables.
Cet avenir, il ne le découvrira que par l'application résolue et réfléchie qu'il mettra à retrouver le sens de sa grandeur et celui de sa mission impériale.
Ils ne se sentent pas contraint de modifier leurs relations avec l'Union Soviétique, sauf pour éviter des malentendus avec leurs alliés.
C'est leur espoir sincère qu'ils seront capables de poursuivre une politique soigneusement calculée, pour servir leurs intérêts et préserver l'esprit de confiance avec les alliés, en entretenant de bonnes relations avec l'URSS.