La description au jour le jour des événements de la seconde guerre mondiale avec 67 ans de décalage
La nation française prévoyait que, malgré l'arrivée de ses alliés, la liquidation de Vichy en Afrique du Nord française n'irait pas sans délais, ni sans péripéties. Mais, au fond de son cachot, la nation française a ressenti de la stupeur en apprenant que les délais seraient tels et que les péripéties prendraient un pareil caractère. La nation, au fond de son cachot, entend savoir de quoi il retourne.
Un grand territoire français est occupé par les armées alliées avec le consentement des populations. La nation se demande si oui, ou si non, le régime et l'esprit de Vichy y demeureront en vigueur, si oui, ou si non, les traîtres de Vichy y seront maintenus en place, si oui, ou si non, cette partie de l'Empire français pourra s'unir à celle qui avait déjà repris la guerre sous le signe de l'honneur, si oui, ou si non, la libération nationale à partir de l'Empire libéré devra être déshonorée par un quarteron de coupables, camouflés pour la circonstance sous un parjure supplémentaire serait grave et dangereux qu'en posant seulement ces questions on ne puisse en même temps les résoudre.
Certes, la France n'a que trop reconnu que dans la confusion de cette guerre mondiale il y a des risques d'erreurs de la part des mieux intentionnés. Mais elle a cru aussi que l'alliance de tous ses alliés était une alliance sincère et que l'idéal sacré pour lequel souffrent et meurent tant et tant d'hommes et de femmes dans le camp de la liberté rejetterait nécessairement, comme elle-même les maudit, le déshonneur et la trahison.
Certes, la France sait comment un régime d'oppression et de mensonge a pu longtemps, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, bâillonner la libre opinion. Mais elle sait aussi qu'une fois ébranlées les colonnes du temple de l'idole, rien n'étouffera plus, en Amérique du Nord comme ailleurs, l'expression de la volonté nationale.
Certes, la France mesure quelles difficultés comporte la coopération dans la guerre de territoires aussi divers et aussi longtemps séparés que ceux qui forment son Empire et l'action commune dans les combats des forces armées dont elle dispose ou qu'elle va pouvoir lever dans toutes les parties du monde. Mais elle sait que, pour unir toutes les terres qui lui appartiennent et tous les États qu'elle protège, il n'existe comme liens que les justes lois de la légitime République et les traités qu'elle a conclus. Elle entend que ses soldats, qu'ils combattent en Tunisie, en Libye, au Tchad, au Pacifique, ne soient pas les soldats de quelqu'un, mais les soldats de la France.
Depuis que la patrie succomba sous les coups de l'ennemi et les complots de la trahison, le trésor de l'indépendance et de la dignité nationale a pu être sauvegardé. A travers quelles épreuves ? Dieu le sait ! Mais, à cause de cela, la France a vu jaillir jusqu'aux tréfonds de l'âme du peuple la flamme de l'espérance en sa liberté et de la confiance dans ses amitiés mondiales.
C'est grâce à cette flamme sacrée que s'est levée et organisée, sous le talon de l'ennemi et de ses collaborateurs, l'immense résistance française. C'est en vertu de la même flamme que se sont peu à peu groupés beaucoup de nos territoires et une partie de nos forces. C'est autour de la même flamme que tout l'Empire doit maintenant s'unir à toute la nation pour lutter et pour vaincre côte à côte avec tous les alliés de la France. C'est par là, et par là seulement, que la victoire pourra effacer, glorieusement, d'un seul coup, nos malheurs, nos divisions, nos larmes.
Un seul combat pour une seule patrie!