La description au jour le jour des événements de la seconde guerre mondiale avec 67 ans de décalage
La République française a toujours voulu gagner cette guerre aux côtés de ses alliés, pour la liberté et la sécurité de l'Europe et du monde. Le dernier Gouvernement républicain, auquel j'avais l'honneur d'appartenir, entendait donc maintenir dans la lutte les moyens qui restaient à la France après la défaite militaire dans la Métropole, c'est-à-dire son Empire, sa flotte, sa marine marchande, son trésor, son influence morale et, par-dessus tout, l'âme du peuple envahi, en attendant qu'il fût possible à la nation tout entière de se remettre debout pour chasser et châtier l'ennemi.
Le défaitisme de certains dirigeants, les intrigues de la trahison, les conspirations des adversaires de la souveraineté du peuple, profitant du désarroi produit par le désastre et abusant de la discipline des armées et des administrations, ont pu réussir momentanément à imposer à la France, d'abord la capitulation et, ensuite, un régime de dictature et d'usurpation. Mais il n'y avait là rien qu'une sorte d'épisode qui, pour effroyable qu'il fût, ne changeait pas la volonté nationale telle qu'elle s'était exprimée aussi longtemps qu'elle était libre. C'est à cette volonté seule que les Français se devaient et se doivent d'obéir.
Telle est la raison et telle est l'inspiration de l'attitude adoptée dès le 18 juin 1940 par un grand nombre de citoyens français à l'intérieur et au-dehors du pays. On sait aujourd'hui que la masse immense de la nation les approuve et les soutient. Le Comité National, formé pour assurer la direction de l'effort français et représenter provisoirement les intérêts généraux de la France, a pu rassembler peu à peu une grande partie de l'Empire et des forces militaires importantes, recueillir l'adhésion et assurer la direction des organisations de résistance sur notre territoire. Il a pu également obtenir d'un grand nombre de Puissances étrangères des engagements au sujet de l'intégrité, de l'indépendance et de la grandeur de la France. Ainsi la France n'est, ni en fait ni en droit, jamais sortie de la guerre. En outre, il s'est créé dans la nation et dans le monde une sorte de mystique de la libération française qui est un élément capital pour le présent et pour l'avenir de l'unité et de la grandeur du pays.
Cependant, le cours des événements militaires a amené les armées alliées, puis les forces ennemies, en Amérique du Nord française. Une bataille s'est engagée en Tunisie. Un chef militaire français renommé, le Général Giraud, dont, je puis en témoigner, le Gouvernement de la République déplorait aux pires moments de la bataille de France qu'il ne pût être nommé Généralissime puisqu'il était tombé aux mains de l'ennemi, a commencé d'entraîner au combat une partie des troupes d'Afrique du Nord. Déjà, ces troupes ont obtenu des succès glorieux et qui vont s'accroissant. Leurs camarades qui, sur terre, sur mer et dans les airs, ont pu reprendre le combat à des dates antérieures sur d'autres théâtres d'opérations, acclament leur concours et leur gloire et souhaitent que tous ceux qui portent les armes de la France se confondent, comme il se doit, dans une seule armée, dans une seule marine, dans une seule aviation françaises.
D'autre part, dans les territoires de l'Afrique du Nord et de l'Afrique Occidentale française, le régime usurpé et l'esprit de Vichy ont été, du fait des événements, profondément ébranlés. Il apparaît qu'en dépit d'une propagande acharnée de deux ans et demi et des mesures de répression si longtemps appliquées, le plus pur souffle national reprend, là comme ailleurs, tous ses droits. Il apparaît que l'union de tout l'Empire dans la guerre n'est plus seulement
désirée et désirable mais peut être bientôt réalisable dans des conditions conformes à la volonté et à la dignité du peuple français.
Mais, ce qui a été fait déjà, ce qui est fait aujourd'hui, ce qui sera fait demain par la nation française, pour le triomphe de la cause commune à toutes les Nations Unies, implique que son effort total soit uni et dirigé, que la souveraineté française soit gérée, que les lois françaises soient appliquées, que les droits et intérêts de la France soient représentés, comme l'ont toujours été et comme le sont toujours par le sang et les douleurs de la nation, son honneur, son âme et sa puissance. Un pouvoir provisoire élargi, groupant toutes les forces françaises à l'intérieur et à l'extérieur du pays et tous les territoires français qui sont susceptibles de lutter pour la libération, est nécessaire à l'indépendance et à l'unité nationales, jusqu'à ce que la nation elle-même ait pu faire connaître ses souveraines volontés.
Les Français n'ont qu'une seule patrie. Il s'agit de faire en sorte qu'ils ne livrent qu'un seul combat.