Nouveaux rapports sur la situation en
zone libre et en zone occupée pour le moi d'Octobre
Situation en zone occupée
- L'
événement capital du mois d'octobre a été, pour la population de la zone occupée, la
nouvelle des exécutions d'otages auxquelles les autorités allemandes ont procédé à la suite
des attentats de Nantes et de Bordeaux.
L'émotion a pénétré, pour la première fois peut-être, jusqu'au fond des campagnes les plus reculées (Côte-d'Or), parfois la réaction a été violente (à Brest, une grève lourde de conséquences a
été évitée de justesse) et les préfets sont unanimes pour déclarer que ces drames pèseront lourdement sur l'avenir des relations entre la France et l'Allemagne.
Les autorités d'occupation ont nettement perçu la réaction de la population. Si dans quelques départements elles ont cherché à ne pas envenimer les choses, dans la plupart elles ont
notablement augmenté leur rigueur et leur contrôle sur l'administration française (Loir-et-Cher - Pas-de-Calais - Charente et Charente-Inférieure etc.)
Mais la population comme le dit le préfet du Loir-et-Cher, a vite oublié les morts pour revenir aux soucis matériels que développe chez elle l'approche de l'hiver.
- l'Est, la population s'inquiète de voir les Allemands s'installer (Vosges) et de constater les prétentions de l'Ostland qui sont circonscrites au département des Ardennes, mais y
paraissent assez importantes.
- Les relations des occupants avec la population demeurent toujours aussi froides et dans l'ensemble correctes.
Le préfet du Finistère trouve que si la volonté de non-collaboration s'affirme, les inutiles " coups d'épingle " diminuent. Les réquisitions continuent de peser lourdement (Vosges - Calvados),
les gens du Loiret s'inquiètent de l'arrivée possible de troupes revenant du front oriental et le recensement des cloches dans l'Eure a produit un effet désastreux.
- La propagande allemande est sans effet sur la population française.
- Les
interventions allemandes dans l'action de l'administration française continue et la Geheimfeldpolizei, qui communique plus difficilement que les Kommandantur,
intervient de plus en
plus dans les actions de la police française.
- La
situation alimentaire est la suivante
Blé : ravitaillement régulier et dans l'ensemble récolte suffisante ;
Viande : amélioration presque partout, mais elle ne durera pas. La situation du bétail reste grave.
Poisson : Organisation insuffisante - arrivages irréguliers.
Pommes de terre : très insuffisantes.
Vin : mauvaise distribution, mais la récolte est satisfaisante.
Pour la première fois apparaît, en Haute-Saône, le manque de sel.
- La situation du reste du ravitaillement est la suivante
Charbon : approvisionnement très inférieur aux prévisions (Paris - Marne etc.)
Vêtements et chaussures manquent à l'approche de l'hiver. Le Calvados n'a reçu que 2 568 paires de chaussures sur lesquelles 1 345 ont été achetées par des Allemands
- Les
restrictions ont pour la santé de la population des conséquences qui commencent d'apparaître comme graves. Il a été constaté un amaigrissement général des adultes dans
l'Aube et même des
cas de décès par carence alimentaire sont signalés dans l'Allier. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle a fait faire sur les enfants des écoles une enquête d'ensemble qui a
donné d'inquiétants résultats.
- les
logements, manquent, les
salaires sont bas, le
coût de la vie est haut, et une grève a eu lieu dans des sucreries de Seine-et-Oise parce que la direction voulait baisser
les salaires. La situation des salaires se complique du fait que les entreprises qui travaillent pour les Allemands paient mieux leurs ouvriers que les autres. Quant aux chantiers Todt, ils paient
sans compter. Enfin
le chômage est à craindre, plusieurs préfets envisagent la diminution des matières premières et du combustible, craignent de voir de nombreuses usines fermées aux
approches de l'hiver (Doubs)
Affiche allemande de 1940 pour le
recrutement d'ouvrier français pour les travaux en Allemagne.
- Les
paysans font preuve de l'âpreté la plus sordide et d'un manque total d'esprit de solidarité. Il n'est pas un préfet qui ne s'en plaigne, mettant en parallèle leurs bénéfices scandaleux
et leurs plaintes perpétuelles contre la réglementation, excessive du reste, du ravitaillement.
- Le
marché noir se développe. L'administration de Vichy ne peut pas agir contre lui car c'est la soupape qui permet de nourrir la population la ou l'administration n'en est pas capable.
- Les
messages politiques n'ont plus réellement d'effet. La grève de 5 minutes demandé par le Général De Gaulle n'a pas ou presque été suivi, la propagande communiste n'a pas été virulente
en octobre, et le Rassemblement National Populaire est en pleine décomposition par suite de scission, les éléments convaincus suivant Deloncle plutôt que Déat. Toute la section d'Epernay (50
membres) a démissionné solennellement. Les autres mouvements continuent de n'exister que sur le papier. Enfin la population fait montre d'une indifférence polie envers le Maréchal, hargneuse envers
le Gouvernement
- La
charte du travail, bien accueillie par la plupart des patrons, reçoit des ouvriers un accueil très froid. Ils lui reprochent de négliger l'aspect moral et psychologique des
revendications ouvrières pour se consacrer exclusivement à l'organisation professionnelle. L'esprit de corporation, au mauvais sens du mot, renaît ; le préfet des Landes observe que les groupements
de commerçants ne songent qu'à briser la concurrence.
- Les déplacements des membres du gouvernement en France (Amiral Darlan en Bretagne,...) produisent de bon effets, mais les
décisions gouvernementales paraissent toujours manquer d'énergie et de
cohésion, elles sont mal diffusées en zone occupée, et mal appliquées par un personnel souvent médiocre.
- La
population souffre de certaines incohérences qui se produisent dans l'action gouvernementale. Elle est particulièrement frappée, dans son existence matérielle, du
manque de
coordination qui existe entre les Ministères de l'Agriculture et du ravitaillement (Seine-et-Oise), et qui a pour effet d'irriter les paysans sans améliorer l'approvisionnement. Les
décisions du Gouvernement sont mal diffusées et mal exécutées. Ce vide résulte d'abord des empêchements que l'autorité d'occupation met à l'exercice des pouvoirs, mais aussi des
rivalités
entre services, de la mauvaise rédaction des instructions et de leur caractère théorique. Pour remédier à ces problèmes,
la plupart des préfets demandent un renforcement de leur autorité sur
les diverses administrations de leur département et un plus grand pouvoir d'appréciation vis-à-vis du Gouvernement, en ce qui concerne les problèmes locaux.
Situation en zone libre
- L'
opinion publique a peu évolué par rapport au mois précédent. L'opinion est
nerveuse et inquiète à mesure que l'hiver approche. Elle est dominée essentiellement par des
préoccupations matérielles concernant toujours les mêmes objets : alimentations, chauffage, vêtements, chaussures.
- les
sanctions prononcées par le Maréchal contre les responsables de la défaite, ont eu peu de répercussions dans l'opinion. Beaucoup de personnes cependant ont marqué une certaine surprise
de la procédure adoptée, surtout du fait que malgré les sanctions prononcées il soit encore question d'un procès
(commentaires non présents dans le rapport des préfets)
Les motifs de " surprise " ne manquaient pas. Un verdict arbitraire prononcé par une instance purement consultative, le Conseil de Justice Politique, était prononcé sans aucun débat
contradictoire contre des inculpés qui n'avaient pas encore été jugés. Créée pour réprimer le nouveau délit de " trahison de la charge ", la Cour suprême de Justice allait devoir juger
des actes antérieurs à la définition légale de ce délit. C'était reconnaître à l'acte constitutionnel n° 7 du 27 janvier 1941, élargi par les actes n° 8 et 9 du 14 avril 1941 (obligation de
prêter serment de fidélité au chef de l'État étendue à l'armée et à la magistrature) et n° 10 du 4 octobre 1941 (obligation étendue aux fonctionnaires de tous ordres, ainsi qu'au personnel de
direction des services publics concédés) un caractère rétroactif. Enfin, la défense ne put ni avoir copie des dépositions des témoins, ni citer de témoins à l'instruction ou à l'audience et se
vit privée du droit d'assister leurs clients pendant les interrogatoires.
- Les
attentats de Nantes et Bordeaux ont provoqué de vives réactions. Si ces attentats ont soulevé la
réprobation générale de la population, les
représailles ont été
unanimement désapprouvées à la fois dans leur principe et dans leur ampleur, estimant que le nombre d'otages passés par les armes est hors de proportions avec le nombre de victimes.
- En ce qui concerne le
conflit à l'est, l
'opinion est, dans son ensemble, toujours partagée entre deux sentiments contradictoires - la
haine de l'Allemagne et le désir de sa
défaite - la
crainte du communisme en cas de victoire russe. Les
sentiments anglophiles n'ont fait aucun progrès marqué dans l'opinion qui est, au contraire, frappée du peu d'efforts
que l'Angleterre fait en faveur de son alliée soviétique.
L'évolution de la guerre germano-russe semble avoir épuisé la curiosité populaire qui se lasse d'apprendre tous les jours par les communiqués de l'un des belligérants l'écrasement d'armées qui,
d'après les indications de l'adversaire, continuent le lendemain à poursuivre la lutte. Il faut ajouter que la guerre se passe sur de lointains territoires que le Français moyen, aux
connaissances géographiques sommaires, situe mal.
- les
milieux ouvriers continuent dans l'ensemble à faire preuve de calme et de résignation, en dépit de conditions de vie matérielles extrêmement difficiles, et s'abstiennent
d'élever des revendications.
- Les
magistrats municipaux font toujours preuve dans l'ensemble du même esprit de dévouement ; leur tâche devient de plus en plus difficile ; les préfets et les sous-préfets reçoivent
constamment des offres de démission ; ils s'efforcent, autant qu'ils le peuvent - le plus souvent par des contacts directs - de faire revenir les intéressés sur leur décision
- Les débuts de la campagne en faveur de la récupération des métaux non ferreux se sont heurtés à deux obstacles l'un provenant des rumeurs faisant allusion à la livraison de ces métaux pour
l'industrie de guerre allemande, l'autre provenant, dans les campagnes, du manque d'initiative des maires déjà surchargés de travail.
Affiche du gouvernement de Vichy en
faveur de la récupération des ordures et autre déchets, pour leur utilisation dans la production
- Dans l'ensemble de la zone libre l'
activité des éléments communistes et gaullistes est très réduite
- Les services de surveillance des prix, malgré l'insuffisance de leurs effectifs, font preuve partout d'une grande activité mais ont parfois une tendance à un zèle intempestif
- La
tendance déjà signalée à substituer le troc à la vente normale des produits semble se généraliser et s'étend à l'heure actuelle aux particuliers ; marchandises pour denrées, denrées
pour travail, tel est de plus en plus le système employé, signe alarmant de l'avilissement de la monnaie. Par ailleurs, le troc permet plus facilement aux commerçants malhonnêtes d'échapper aux
taxations en vigueur.
- Le
manque de main d'oeuvre, les dotations réduites de carburant, l'insuffisance ou le manque des attelages, le fait enfin que les engrais ne sont pas encore distribués pénalise les travaux
agricoles. Une réduction des terres ensemencées est donc à craindre.
- L'
état des troupeaux est généralement satisfaisant en dépit d'une alimentation déficiente
- Les
agriculteurs sont cependant mécontents pour de nombreuses raisons (complexité des règlements, impositions, insuffisance de la ration quotidienne, manque de vêtements et de chaussures
de travail,...)
- La
situation du ravitaillement ne change pas par rapport au mois précédent, et le chômage n'est pas inquiétant.
source : mémorial de caen (photo), Histoire de notre temps (CNRS)
Front de l'est
Staline nomme le
maréchal Shaposhnikov chef d'état major de l'armée rouge.
Front sud
En
Crimée, les
forces allemandes de la XIe armée capturent Simferopol, un important noeud de communication entre le centre et la capitale de la région
source : Worldwar-2.net, onwar.com, guerre-mondiale.org
Atlantique sud
Le U68 coule le cargo britannique
Bradford City au large des côtes de la Namibie
source : UBoat.net
Les Etats-Unis engagent l'aide pour la
reconstruction des pays occupés et dévastés, pour une réhabilitation économique.
source : "Events leading up to World War II" sur
iBiblio.org
le gouvernement allemand déclare que ce
n'est pas le sous-marin allemand qui a tiré le premier mais les destroyers américains
USS Greer et
USS Kearney qui avaient attaqués avec des charges de profondeur le sous-marin
allemand.
source : Worldwar-2.net
En Pologne, le
camp de Belzc
commence à être construit dans le cadre de l'opération Reinhard. En 1940 des fortifications anti-chars avaient été creusées à proximité, elles serviront comme fosse commune pour les juifs qui
seront assassinés dans le camp.
source : Mémorial Yad-vashem